L’Union européenne (UE) met les bouchées doubles dans la course au calcul quantique. En effet, alors que la souveraineté technologique est au cœur des enjeux, Bruxelles intensifie ses efforts pour combler le fossé avec les États-Unis et soutenir un écosystème quantique européen dynamique. Explications.
- L’Union européenne a annoncé un ambitieux financement pour combler son retard face aux États-Unis dans le domaine des ordinateurs quantiques.
- Les ordinateurs quantiques représentent un enjeu stratégique crucial pour garantir la souveraineté technologique de l’Europe.
L’Europe accélère pour rattraper son retard quantique
Face à l’avance des États-Unis et d’autres puissances, l’Union européenne a clairement affiché sa détermination à devenir un acteur majeur dans le domaine stratégique des ordinateurs quantiques. L’objectif est clair : réduire la dépendance aux technologies étrangères et créer un environnement propice à l’épanouissement des startups européennes sur le continent.
Le constat est sans appel : seule une poignée d’entreprises européennes figurent parmi les leaders mondiaux du secteur. Pour y remédier, l’UE débloque donc des fonds et met en place des programmes de soutien pour renforcer la recherche et le développement. Le programme Horizon Europe, principal instrument de financement de la recherche et de l’innovation de l’UE, continue de jouer un rôle central dans le soutien aux projets de recherche quantique, de la science fondamentale aux applications.
Mais la nouveauté réside dans la préparation d’un « Scale-Up Europe Fund ». Ce fonds, en partenariat avec des investisseurs privés, vise spécifiquement à combler le « fossé de financement » que rencontrent les startups européennes une fois leurs recherches avancées. Il s’agit d’un levier crucial pour accompagner la croissance et l’industrialisation des entreprises technologiques européennes, leur permettant de passer du statut de jeune pousse prometteuse à celui de leader mondial sans avoir à chercher des capitaux en dehors du continent.
Ce fonds est destiné à attirer et à « dérisquer » le capital privé en s’associant à lui, créant ainsi une masse critique d’investissements pour propulser l’innovation quantique européenne sur le marché.
Premiers succès concrets en juillet 2025
Ces efforts commencent déjà à porter leurs fruits. Le 23 juin 2025, un jalon majeur a été franchi avec l’inauguration à Poznań, en Pologne, du premier ordinateur quantique acquis par EuroHPC. Baptisé PIAST-Q, ce système à ions piégés, fourni par Alpine Quantum Technologies (AQT), s’apprête à offrir des services de calcul aux chercheurs européens d’ici la fin de l’année, marquant une étape concrète dans la mise à disposition de l’infrastructure quantique.
Dans la foulée, la Commission européenne a officialisé, le 2 juillet 2025, sa Stratégie Quantique Européenne. Cette initiative vise à positionner l’Europe comme un leader mondial des technologies quantiques d’ici 2030. Un « Quantum Act » est également en préparation, avec une proposition législative attendue pour 2026. Ce cadre légal devrait notamment inclure la création de six lignes pilotes et d’un centre de conception quantique, essentiels pour transformer les prototypes de laboratoire en solutions commercialisables.
Les 5 Piliers de la stratégie européenne pour le quantique
La stratégie européenne pour le quantique repose sur une approche holistique, articulée autour de cinq domaines interconnectés, visant à bâtir une autonomie et une excellence durable dans ce secteur clé :
- Recherche et innovation : L’objectif est de consolider l’excellence scientifique à travers toute l’Europe afin d’assurer un rôle de premier plan, tant dans la science fondamentale que dans sa transformation industrielle.
- Infrastructures quantiques : Il s’agit de développer des pôles d’infrastructure évolutifs et coordonnés. Ces hubs sont essentiels pour soutenir la production de technologies, leur conception et le développement d’applications concrètes.
- Renforcer l’écosystème quantique : Cet axe passe par des investissements ciblés dans les jeunes entreprises (start-up) et celles en croissance rapide (scale-up). Il vise également à sécuriser les chaînes d’approvisionnement et à accélérer l’industrialisation des technologies quantiques.
- Technologies spatiales et quantiques à double usage (sécurité et défense) : Ce pilier est crucial pour intégrer des capacités quantiques sûres et souveraines dans les stratégies de l’Europe en matière d’espace, de sécurité et de défense, reconnaissant la nature critique de ces technologies.
- Compétences quantiques : Pour soutenir l’ambition européenne, il est impératif de créer une main-d’œuvre diversifiée et de classe mondiale. Cela passe par une éducation, une formation et une mobilité des talents coordonnées à l’échelle de l’UE.
Le Quantique : Un enjeu de souveraineté et de défense
Les ordinateurs quantiques, avec leur capacité à résoudre des problèmes complexes inaccessibles aux machines actuelles, représentent un atout considérable pour des secteurs clés tels que la cybersécurité, l’intelligence artificielle et même les opérations militaires.
Au-delà des applications, c’est la souveraineté technologique de l’Europe qui est en jeu. Comme l’a souligné Henna Virkkunen, vice-présidente de la Commission européenne chargée de la politique technologique :
« Alors que la science quantique progresse rapidement, nous sommes au bord de certaines avancées scientifiques et technologiques parmi les plus transformatrices. L’Europe a toujours été à l’avant-garde de la science quantique, avec un solide bilan en matière d’innovation et de découverte.
Nous avons tout ce qui est nécessaire pour devenir un continent quantique de premier plan, allant d’une main-d’œuvre hautement qualifiée à une infrastructure de recherche solide.
Alors que la course quantique mondiale s’intensifie et passe d’une application en laboratoire à une application réelle, l’Europe doit conserver son rôle de chef de file. C’est pourquoi nous lançons la stratégie pour l’Europe quantique, qui vise à réunir les États membres, l’industrie, le monde universitaire et la société afin de libérer tout le potentiel des technologies quantiques. »
Henna Virkkunen, vice-présidente exécutive chargée de la souveraineté technologique, de la sécurité et de la démocratie – Source
L’objectif est clair : développer des capacités autonomes pour ne plus dépendre des acteurs étrangers, en particulier des États-Unis. L’augmentation des budgets de défense dans plusieurs pays de l’UE devrait également stimuler ces technologies de pointe.
La France, avec sa propre Stratégie Nationale Quantique, est un acteur moteur, comme en témoignent les avancées de startups telles qu’Alice & Bob et Pasqal. La coopération européenne est également renforcée par des initiatives trilatérales (France, Pays-Bas, Allemagne).
L’UE en retard face au reste du monde
Posséder des capacités quantiques avancées est perçu comme un enjeu de souveraineté nationale et continentale. Celui qui maîtrisera cette technologie aura un avantage décisif en matière de défense, de renseignement, d’économie et d’innovation. L’Europe, les États-Unis, la Chine et d’autres pays investissent massivement pour ne pas dépendre de puissances étrangères dans ce domaine critique.
Faible Présence de « Big Tech » Européennes, Niveau d’Investissement Public et Privé Inférieur, Fragmentation des Efforts, fuite des cerveaux, Difficultés de Commercialisation et d’Industrialisation… la liste des motifs du retard de l’UE dans la course au quantique est longue.
Pour y remédier, l’Europe s’engage donc résolument pour bâtir un écosystème quantique compétitif, en s’appuyant sur l’excellence de sa recherche scientifique et le potentiel de ses startups prometteuses. Reste à savoir si ces investissements massifs seront suffisants pour combler définitivement le fossé et positionner l’Europe en leader mondial du quantique.
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