Chaque année, à l’approche du 1er octobre, c’est le même opéra à Washington. Le Congrès américain doit, selon la loi, adopter douze projets de loi d’affectation de crédits pour financer le gouvernement fédéral. Une formalité qui se transforme parfois en un bras de fer politique qui paralyse l’économie américaine.
Alors que les marchés financiers traditionnels retiennent leur souffle, une question brûle les lèvres : quel est l’impact de ce chaos sur le cours du bitcoin ? Voici les cinq questions pour comprendre le « shutdown » et ses répercussions sur la crypto.
- Le Congrès américain a souvent vécu des moments de tension à l’approche du 1er octobre en raison des douze projets de loi de financement nécessaires pour éviter un « shutdown ».
- Ce blocage budgétaire a eu des conséquences économiques directes, affectant les ménages, les entreprises et même le marché du Bitcoin par son effet sur la confiance dans le dollar.
Qu’est ce qu’un shutdown ?
Un « shutdown » (littéralement « fermeture »), c’est la paralysie partielle des services publics non-essentiels faute d’un budget voté à temps. C’est le moment où les fonctionnaires jugés « non-essentiels » se retrouvent en « furlough » (congé sans solde forcé) et où les musées, parcs nationaux ou certains services de l’administration ferment boutique. Pour vous donner un ordre d’idée, lors du plus long shutdown de l’histoire (35 jours en 2018-2019), le chômage technique a touché près de 800 000 employés.
Il est important de noter que ce n’est pas un arrêt total. Les programmes dits « obligatoires » ou « essentiels », comme la Sécurité Sociale (Social Security) ou le Medicare, continuent de fonctionner. Pour l’instant, c’est le budget discrétionnaire, qui représente 25 % des dépenses fédérales, qui est pris en otage.
Pourquoi le gouvernement américain se tire-t-il une balle dans le pied ?
Parce qu’au-delà de la politique … il y a de la politique. Le « shutdown » est l’arme ultime des factions politiques pour imposer leurs vues. Démocrates et Républicains, loin de s’entendre, se retrouvent dans une impasse. L’objectif initial est simple : voter les douze projets de loi. Mais le temps manque, et le « continuing resolution » (CR), une sorte de solution de fortune pour prolonger le financement actuel sur une courte période, est devenue le champ de bataille.
Historiquement, le Congrès utilise ces rustines budgétaires pour éviter le drame, mais les négociations sur la durée du CR et les dispositions qu’il doit inclure sont devenues un jeu du chat et de la souris. Actuellement, il est question de provisions supplémentaires sur les aides sociales ou de coupes budgétaires, ce qui rend tout accord impossible.
Les médias de TD Economics et Northern Trust et d’autres le confirment : la situation est « hautement fluide » et « les deux camps restent éloignés ».
Quand la machine s’arrête, que se passe-t-il vraiment ? Les impacts économiques concrets
Les conséquences ne sont pas seulement symboliques. Elles frappent directement les ménages et les entreprises. Comme expliqué en introduction, les employés fédéraux ne sont pas payés, ce qui se traduit par une baisse de la consommation et une augmentation potentielle des retards de paiement (un rapport du CBO a estimé que le shutdown de 2018-2019 a réduit le niveau du PIB de 11 milliards de dollars). Les entreprises sous contrat avec l’État fédéral voient leurs projets mis sur pause, et l’économie en subit les contrecoups.
Même l’administration fiscale américaine (IRS) est touchée, car si elle continue de collecter des impôts, elle ne peut plus émettre de remboursements.
Prenons un exemple. Le « Shutdown » de la honte : celui du mur de Donald Trump. C’est le plus long « shutdown » de l’histoire américaine qui s’est étendu sur 35 jours, du 22 décembre 2018 au 25 janvier 2019, sous la première présidence de Donald Trump. Ce n’était pas un simple désaccord budgétaire, mais un véritable bras de fer politique centré sur une promesse de campagne : la construction d’un mur à la frontière avec le Mexique.
Donald Trump exigeait que le Congrès approuve une enveloppe de 5,7 milliards de dollars pour financer son projet. Les démocrates, fraîchement majoritaires à la Chambre des représentants, ont refusé catégoriquement de céder. Le résultat a été une impasse totale.
Ce « shutdown » a non seulement mis des centaines de milliers de fonctionnaires en congé sans solde, mais il est aussi devenu un symbole de la polarisation politique américaine. Les employés fédéraux ont manqué leur paie, les aéroports ont subi des perturbations et même les musées de la Smithsonian Institution ont fermé.
La contagion : Comment ce chaos peut-il toucher le marché du Bitcoin ?
On pourrait croire que Bitcoin, roi de la décentralisation, est imperméable à ces querelles de marchands de tapis. Que nenni. Les marchés financiers sont interconnectés. L’incertitude est le terreau de la volatilité, et le marché crypto en est friand. Les risques existent :
- Un « shutdown » prolongé et un risque politique persistant pourraient ébranler la confiance dans le dollar américain. Or, quand le roi de la finance traditionnelle éternue, les valeurs alternatives ont tendance à s’enrhumer… ou à se renforcer. Historiquement, un affaiblissement du dollar a souvent profité au Bitcoin, car il est perçu comme une réserve de valeur alternative. Mais ce n’est pas une science exacte. En cas de panique générale, les investisseurs peuvent se réfugier dans des actifs jugés moins risqués, le plus souvent le dollar.
- Le gouvernement paralyse aussi la collecte des données économiques essentielles. La Réserve Fédérale (Fed) se retrouverait donc sans informations cruciales sur l’emploi ou l’inflation pour prendre ses décisions de politique monétaire. Dans ce brouillard, la Fed pourrait se retrouver contrainte d’agir à l’aveuglette, et cela rend les marchés, y compris le Bitcoin, beaucoup plus nerveux.
- Même si le marché crypto a tendance à réagir différemment, une chute des indices boursiers américains (comme le S&P 500) peut entraîner un mouvement de vente généralisé, y compris sur les crypto-actifs. L’histoire a montré que même si les marchés traditionnels ont tendance à se rétablir rapidement après un shutdown, la période de turbulence initiale peut causer des dégâts.
« Shutdown or not shutdown », telle est la question… Et maintenant ?
À la date d’aujourd’hui, le 30 septembre, l’issue n’est toujours pas tranchée. Le 1er octobre approche à grands pas, et l’incertitude est maximale. Les négociations de dernière minute sont monnaie courante, mais cette fois-ci, la tension semble plus palpable que jamais.
Pour les investisseurs, la leçon est double : d’abord, une simple crise politique peut avoir des répercussions macroéconomiques réelles. Ensuite, même si le Bitcoin a été conçu pour se libérer de ces chaînes, il reste un enfant de son époque, et il subit, pour le meilleur ou pour le pire, les contrecoups des turbulences de la finance traditionnelle.
Il faudra surveiller de près l’évolution des discussions au Congrès, et les réactions du marché, car le dénouement de cette saga influencera non seulement l’économie américaine, mais aussi l’avenir, à court terme, de votre portefeuille crypto.
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